Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

FRANÇAIS, LANGUE SECONDE - Grammaire et littérature jeunesse

Enseigner la grammaire via la littérature jeunesse

Mise en contexte

Encore aujourd’hui, et ce, malgré les récentes recherches dans le domaine de la didactique des langues, la grammaire est souvent enseignée de façon traditionnelle, c’est-à-dire que les enseignant·es expliquent les règles aux élèves, puis leur soumettent des exercices répétitifs et décontextualisés (cahiers d’activités et feuilles d’exercices). Ainsi, l’enseignement de la grammaire « ne s’articule que rarement à la complexité du vécu linguistique de l’élève et […] il ne tient que peu compte de ses besoins linguistiques, discursifs et communicatifs » (Thibeault et Quevillon Lacasse, 2019, p. 292).

Dans le but de faire de la grammaire autrement, certains auteurs, dont Thibeault et Quevillon Lacasse (2019) proposent de démocratiser et de décloisonner l’enseignement de la grammaire grâce à la littérature jeunesse, ce qui permet, entre autres, de contextualiser l’étude de la langue via des ressources authentiques, diversifiées et stimulantes pour les apprenant·es de français, langue seconde (FLS). En effet, « c’est en partant de textes authentiques et en analysant les choix linguistiques de l’auteur que l’enseignement de la grammaire peut devenir réellement signifant pour l’apprenant » (Idem).

Dans le cadre d’un projet de développement professionnel (PDIG) financé par le Leadership Committee for English Education in Québec (LCEEQ), une équipe formée d’enseignantes du primaire, de deux conseillères pédagogiques et d’une experte en didactique de la grammaire ont voulu exploiter cette piste qu’est l’enseignement de la grammaire par la littérature jeunesse.

Référence : Thibeault, J. et Quevillon Lacasse, C. (2019). Trois modalités de réseaux littéraires pour enseigner la grammaire en contexte plurilingue. Cahiers de l’ILOB, 10, 291-310. DOI : 10.18192/olbiwp.v10i0.3393. https://www.researchgate.net/publication/338677463_Trois_modalites_de_reseaux_litteraires_pour_enseigner_la_grammaire_en_contexte_plurilingue 

Enseignantes de 2e cycle :

  • Kalinin, Sophia (Pierre de Coubertin elementary school)
  • Korsemova, Emiliya (Willingdon elementary school)

Enseignantes de 3e cycle :

  • Bensoussan, Laure (Gardenview Elementary School)
  • Passarelli, Patrizia (Our Lady of Pompei Elementary School)

Conseillères pédagogiques :

  • Anik Malenfant (English Montreal School Board)
  • Julie Paré (LEARN)

Experte :

  • Claude Quevillon Lacasse (Université du Québec à Montréal)

Ce projet visait à la fois à engager les enseignantes participantes dans une formation professionnelle étalée sur une année scolaire et à fournir, au terme du projet, des ressources clés en main à la communauté enseignante de la commission scolaire English Montreal pour l’enseignement d’une notion grammaticale par cycle à partir d’un livre de littérature jeunesse. Au 2e cycle primaire, c’est la notion du genre des noms en français (comment savoir si un nom est masculin ou féminin à partir de sa terminaison) qui a été retenue et travaillée à travers l’album ABC de Marion Arbona. Au 3e cycle primaire, c’est la construction générale de la phrase de forme négative qui a été sélectionnée à partir de l’album Qui a peur de quoi? de Coralie Saudo.

Ainsi, les trois objectifs de départ du projet ont été complétés : 

  1. Réfléchir sur les pratiques actuelles de l’enseignement de la grammaire;
  2. Développer une expertise quant à l’enseignement de la grammaire via la littérature jeunesse;
  3. Créer des activités qui pourront être utilisées en salle de classe. 


Il était également important, dans le cadre du projet, que les livres jeunesse sélectionnés soient disponibles sur la plateforme
Biblius par souci de disponibilité et de pérennisation des activités créées par l’équipe, mais aussi pour tirer profit des TIC pour l’enseignement et des ressources disponibles sur la plateforme. L’équipe a ainsi pu compter sur le soutien de Danielle Juneau, bibliothécaire à la commission scolaire English Montreal.

Fondements

Dans les sections qui suivent, les fondements théoriques pour une contextualisation de l’enseignement grammatical seront présentés, suivis des démarches d’enseignement-apprentissage qui ont été formalisées dans le cadre du projet.

Pourquoi contextualiser la grammaire?

La contextualisation de la grammaire favorise le transfert des connaissances en production, rend la grammaire accessible et signifiante et développe les stratégies d'apprentissage des élèves.

Un défi récurrent dans l’enseignement du français, langue seconde, est celui du transfert des connaissances apprises en contexte de production plus libre (écrite ou orale). En effet, ce n’est pas parce qu’on enseigne une notion qu’elle sera apprise ou disponible pour l’emploi en contexte de production par l’apprenant·e. Ce problème de transfert de connaissances peut s’expliquer de différentes façons : par l’écart trop important entre le contexte d’enseignement de la connaissance et celui du réemploi, par l’utilisation d’exemples décontextualisés proposés dans des cahiers d’apprentissage traditionnels, par manque d’engagement cognitif lors de l’apprentissage, ou simplement par manque d’attention et d’intérêt pour la connaissance enseignée. En travaillant la grammaire de manière contextualisée, c’est-à-dire en puisant la grammaire où elle se réalise réellement, on se rapproche des contextes d’emploi qu’on pourrait proposer aux apprenant·es pour des tâches de production, orale ou écrite.

Lorsque la grammaire est enseignée de façon traditionnelle et décontextualisée, elle devient inaccessible à l’apprenant·e, qui la conçoit alors comme un ensemble de règles prescriptives et d’exceptions à mémoriser, lesquelles peuvent lui paraître insensées. Pourtant, la grammaire d’une langue est plutôt un ensemble de moyens dont les locuteurs de cette langue disposent pour s’exprimer et créer du sens. En contextualisant la grammaire, on montre aux apprenant·es que la grammaire se réalise dans tous les contextes d’emploi de la langue et qu’elle sert le message à transmettre. Elle devient dès lors accessible et signifiante pour l’apprenant·e.

En travaillant la grammaire à partir d’un contexte signifiant, l’enseignant·e doit guider ses apprenant·es dans l’observation d’exemples, la formulation d’hypothèses, la co-construction de régularités, autant d’activités cognitives et collaboratives qui leur permettront de développer des stratégies d’apprentissage transversales. Les apprenant·es développent notamment leurs habiletés inductives, c’est-à-dire leurs capacités à observer des régularités dans leur environnement, leur conscience métalinguistique, c’est-à-dire leur faculté à réfléchir sur la langue et à la manipuler, et leur autonomie dans leur apprentissage de la langue.

Comment contextualiser la grammaire?

L’enseignant·e peut utiliser différentes façons de contextualiser la grammaire, et ce, en utilisant les ressources habituellement déjà présentes dans la classe. En voici des exemples :

Ces expériences, par exemple un évènement à la récréation, une sortie scolaire, une étape scolaire, les appréhensions concernant l’entrée au secondaire, constituent des opportunités pour enseigner des notions grammaticales de façon à ce qu’elles soient signifiantes et utiles pour les apprenant·es.

En contexte d’immersion française au primaire, les textes (audio, vidéo ou écrits) utilisés pour soutenir le développement de connaissances disciplinaires, par exemple en univers social, en sciences et technologie, en mathématiques, en éducation physique, en arts plastiques, sont autant de textes pertinents pour observer l’utilisation et le fonctionnement de notions grammaticales.

Les documents authentiques constituent une mine de ressources de diverses modalités, dont la définition habituelle est celle-ci : un texte produit par et pour des locuteurs de la langue cible. Les documents authentiques utilisés en classe peuvent être des documents audiovisuels, des affiches, des textes de divers genres comme des recettes et des instructions, des chansons, etc. En plus de présenter l’emploi réel de notions grammaticales, un texte authentique permet de travailler des éléments culturels et des stratégies d’apprentissage. La littérature jeunesse en particulier, en plus de tous ses autres attributs (voir le document L’album en classe du MEQ et consulter le site Constellations du MEQ), représente un ensemble de textes motivants, accessibles et appropriés pour les apprenant·es de l’immersion française, ce qui leur permet d’apprendre la grammaire qui y est réalisée de façon plus signifiante.

L’importance d’une deuxième lecture

On croit parfois qu’une deuxième ou une troisième lecture d’une œuvre de littérature jeunesse en classe sera répétitive et ennuyante pour les apprenant·es. Pourtant, au contraire, il s’agit d’une pratique pédagogique importante à intégrer, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, cela permet à un plus grand nombre d’apprenant·es de bien comprendre le texte lu. Ensuite, lors d’une exposition subséquente à un livre, puisqu’il·elles y sont déjà familier·ères, les apprenant·es sont plus à l’aise avec le texte, ce qui assure une plus grande participation de tous dans la classe.

 

Plus encore, une deuxième ou troisième lecture permet de réutiliser le texte pour travailler une autre intention pédagogique. En première lecture, l’enseignant·e aura choisi une intention pédagogique reliée au développement des dimensions de la lecture ou des stratégies de lecture, de façon à respecter l’intention d’écriture de l’auteur·e de l’œuvre, c’est-à-dire utiliser un document authentique de façon authentique. Ainsi, si l’enseignant·e veut également travailler une notion grammaticale qui est particulièrement présente dans le livre, cela ne pourra se faire que lors d’une autre lecture, réservée à cette deuxième, voire troisième intention pédagogique.

 

Enfin, il est important de mentionner que l’adoption d’une posture métalinguistique, qui implique de se distancier du message pour s’intéresser à la façon dont le texte est écrit, nécessite du soutien de la part de l’enseignant·e et, surtout, du temps et de la pratique. Lors d’une première lecture de l’histoire, on se concentrera donc sur le message et l’histoire, son appréciation et sa compréhension. Lors d’une autre lecture, on pourra se détacher de l’histoire pour observer comment un élément grammatical s’y réalise au service du texte.

  • Une deuxième, voire troisième exposition à un texte permet : 
    • Un meilleure compréhension de la part de tous les élèves;
    • Plus d’aisance chez les élèves;
    • Une plus grande participation de tous les élèves.
  • L’intention pédagogique principale pour la lecture d’un livre en classe n’est pas l’observation linguistique!
    • La 1re lecture devrait être en lien avec une des quatre dimensions de la lecture : comprendre, interpréter, apprécier, réagir à.
  • Passer au plan métalinguistique (s’intéresser à la forme plutôt qu’au sens) prend du temps et se développe par étayage (modélisation, accompagnement guidé, récurrence).

La démarche générale

Au fil du projet, une démarche générale d’exploitation de la littérature jeunesse, adaptée de celle présentée dans le document L’album en classe du MEQ, a été proposée aux enseignantes participantes. Le tableau ci-dessous résume les trois grandes étapes de cette démarche générale.

Ainsi, il est proposé de ne pas porter son attention sur la grammaire lors de la première lecture du livre sélectionné. En effet, cette première période devrait être réservée à une activité de prélecture pour activer les connaissances antérieures des élèves au sujet du thème du livre, de l’époque de l’histoire, de l’auteur ou autre, suivie de la lecture interactive (au moyen de dispositifs de lecture variés) du livre selon une intention de lecture. À la suite de cette première lecture, une activité d’intégration en lien avec au moins une des quatre dimensions de la lecture (comprendre, interpréter, apprécier ou réagir à) est tout indiquée.

Ensuite, lors d’une période subséquente (après une pause, le lendemain ou quelques jours plus tard), l’enseignant·e propose une seconde lecture du livre, pendant laquelle les élèves seront invité·es à prendre conscience de la présence d’un élément grammatical ou de son apport au texte. Par la suite, l’enseignant·e propose aux élèves, placés en sous-groupe, d’observer le fonctionnement de cet élément grammatical en manipulant les exemples présents dans le livre. À la suite de l’observation et de la manipulation, l’enseignant·e anime une synthèse des observations en demandant aux élèves de formuler des hypothèses sur le fonctionnement de l’élément grammatical et en les ajustant au besoin. 

Enfin, lors d’une autre période de classe, les élèves sont amené·es à réinvestir la notion grammaticale observée dans leur propre production, orale ou écrite, inspirée du livre lu.

Démarche d’observation grammaticale

Comme il a été mentionné plus tôt, observer et manipuler des éléments grammaticaux que l’on retrouve dans des textes authentiques comme des œuvres de littérature jeunesse requiert du soutien de la part de l’enseignant·e, du temps et de la pratique. Dans le cadre du projet, une démarche pour l’observation grammaticale a été adaptée et formalisée à partir de celle présentée par Thibeault et Quevillon Lacasse dans diverses formations et intégrée en annexe du document L’album en classe du MEQ. Ce tableau résume les six étapes de cette démarche.

Ainsi, lors d’une 2e lecture de l’œuvre de littérature jeunesse sélectionnée, l’enseignant·e amène, par son questionnement ouvert, les élèves à observer la façon dont le texte est écrit, en ciblant une notion en particulier. Cette notion devrait se retrouver fréquemment dans le texte ou soutenir de façon évidente la construction du texte.

Dès lors que les élèves ont remarqué la présence ou l’apport de l’élément linguistique, l’enseignant·e, éventuellement les élèves eux-mêmes, puisent les exemples de cet élément à même le texte du livre. Ces exemples peuvent être légèrement modifiés au besoin : on peut sélectionner un bout de phrase seulement, enlever des majuscules ou en ajouter, supprimer certains mots superflus, remplacer un pronom de reprise par son antécédent, etc.

Ces exemples serviront de matériau linguistique pour l’observation et la manipulation. Lors de cette étape, les élèves travaillent en sous-groupe et sont amené·es à observer les exemples disposés dans des ensembles ou un tableau, à classer ou à organiser les exemples, à les comparer, à tester des procédures ou des transformations sur ces exemples, à synthétiser les caractéristiques communes à ces exemples, etc. Ces opérations cognitives sont à privilégier, puisqu’elles permettent l’ancrage des apprentissages dans la mémoire à long terme. De plus, les élèves sont alors plus engagés dans la tâche puisqu’elle représente un défi pour eux, à la manière d’une problème à résoudre; ils doivent négocier entre pairs à l’oral, ce qui participe à leur développement langagier; ils développent des habiletés de traitement de l’information et des stratégies qui leur seront utiles dans d’autres contextes d’apprentissage. Il est à noter qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette étape, qui peut faire l’objet de plusieurs activités visant différentes opérations cognitives.

En sous-groupe d’abord, puis en grand groupe, les élèves sont ensuite invité·es à verbaliser leurs observations sur le fonctionnement de la notion grammaticale. L’enseignant·e accueille toutes les hypothèses formulées par les élèves de façon neutre et bienveillante, en demandant aux élèves de justifier leurs raisonnements de manière à tenir compte de leurs conceptions grammaticales en construction. Puis, l’enseignant·e anime une discussion en grand groupe pour retenir l’hypothèse la plus juste, en reformulant la régularité au besoin.

Pour mieux comprendre la notion grammaticale et faire des liens avec les connaissances linguistiques du répertoire langagier des élèves, l’enseignant·e prend ensuite le temps de demander aux élèves de comparer le fonctionnement de la notion en français avec celui d’autres langues qu’il·elles connaissent, dont l’anglais, langue commune en classe d’immersion française. Ce court détour par d’autres langues permet de légitimer le répertoire langagier des élèves, qui deviennent alors des experts, et de développer la conscience métalinguistique plus générale des élèves de la classe.

Enfin, afin de s’assurer d’une bonne compréhension du fonctionnement de la notion grammaticale par tous les élèves de la classe et de les doter d’une procédure pour l’emploi correcte de la notion dans leurs productions, l’enseignant·e invite les élèves à créer un aide-mémoire sur la notion ou à noter la régularité observée dans un outil de référence de classe en construction. Cet aide-mémoire ou outil de référence pourra ensuite être consulté lors d’activités de réinvestissement de la notion grammaticale.

Le but de ce diagramme est  pour aider vos élèves à réaliser l’étape 4: la verbalisation.

Gabarits

Voici les canevas de planification pour une activité de grammaire basée sur la littérature de jeunesse, présentées en deux formats : version Google Document et version Google Présentation.

Leçons

ABC

Une activité clés en main pour enseigner le genre des noms à partir de l’album ABC de Marion Arbona.

Lire en suite

Vidéos et présentations de l'AQEFLS

Ressources pour enseignant.e.s

Aller au contenu principal